70 ans de recherche sur l'infiniment petit
Publié par UNICAEN Normandie, le 20 juillet 2017 2.1k
À l’heure où l’université de Caen Normandie célèbre le 60e anniversaire de sa reconstruction, le Laboratoire de physique corpusculaire de Caen · LPC vient de fêter ses... 70 ans. Le LPC concentre ses activités de recherche sur le noyau atomique - cette partie centrale de l’atome, constituant élémentaire de la matière. Approfondir la compréhension du noyau atomique, c’est s’interroger sur nos origines et sur l’origine de toute chose. C’est également s’interroger sur la production et l’utilisation de l’énergie nucléaire. Depuis sa création en 1947, le LPC Caen, dont le dynamisme est entretenu par de nombreuses collaborations locales, nationales et internationales, a vu ses activités évoluer à la faveur du développement des détecteurs et des accélérateurs de particules.
Le noyau atomique n'a pas encore livré tous ses secrets...
L’interaction des neutrons et des protons produit une incroyable variété de noyaux atomiques et donc de matière constituant notre univers. Pour le LPC, l’objectif est de sonder les noyaux et de caractériser leurs propriétés afin de comprendre leur structure, les mécanismes responsables de leur formation et les lois qui les régissent. Ce sont les noyaux fortement instables qui intéressent plus particulièrement les physiciens du LPC - instables du fait d’un déséquilibre entre protons et neutrons, ou instables de par des conditions extrêmes de pression et de température, telles celles que l’on retrouve à l’occasion de la naissance ou de l’explosion d’une étoile. Ces noyaux instables dits « exotiques » représentent près de 90% des noyaux présents dans l’univers, mais n’existent pas à l’état naturel sur Terre. Pour les besoins de la recherche, des faisceaux de noyaux exotiques sont ainsi produits par réaction nucléaire grâce à des accélérateurs de particules, tels le Laboratoire National du Sud à Catane (Italie), ISOLDE au CERN à Genève (Suisse), RIKEN près de Tokyo (Japon), TRIUMF à Vancouver (Canada) ou encore, plus proche de nous, les installations SPIRAL1 et prochainement SPIRAL2 au Grand accélérateur national d’ions lourds · GANIL à Caen. Le LPC, investi dès 1983 auprès des premiers faisceaux du GANIL, développe aujourd’hui des dispositifs pour l’accélérateur de nouvelle génération SPIRAL2 - un équipement de pointe unique au monde qui ouvrira de nouvelles perspectives pour l’étude des noyaux atomiques.
Les recherches fondamentales du LPC couvrent également les études liées aux tests du modèle standard de la physique des particules, un cadre théorique décrivant avec précision les particules élémentaires de la matière et les interactions qui s’exercent entre elles. Élaboré dans les années 1960-1970, ce modèle ne répond toutefois pas à l’ensemble des interrogations des physiciens, et de nombreuses particules restent encore à être détectées. Le LPC est impliqué dans les projets de recherche SUPERNEMO au laboratoire souterrain de Modane (France), LPC TRAP à Caen, NEDM à Zurich (Suisse), SOLID à Mol (Belgique) qui portent en particulier sur le neutrino, une particule furtive, difficile à détecter, et dont la masse n’a pas été mesurée à ce jour.
Développer des solutions innovantes pour l'industrie et la santé
Le LPC mène des projets de recherche appliqués répondant à des demandes sociétales fortes, dont le projet GUINEVERE. GUINEVERE, ce sont des réacteurs nucléaires hybrides composés d’un cœur de réacteur commandé par un accélérateur de particules : l’accélérateur de particules va permettre de casser les noyaux issus de la fission nucléaire, les transformant en éléments à durée de vie beaucoup plus courte. Ce projet apporte une solution audacieuse au problème du retraitement des déchets nucléaires, dans l’objectif de développer une énergie nucléaire plus propre.
Le LPC participe également au projet ARCHADE, le premier centre européen de recherche, de développement et de traitement par hadronthérapie, qui ouvrira à Caen à l’horizon 2018. Au-delà des traitements conventionnels, ARCHADE, pour Advanced Resource Center for Hadrontherapy in Europe, offre de nouvelles pistes de traitement des cancers par hadronthérapie - une technique innovante s’appuyant sur des faisceaux de protons et d’ions carbone. Contrairement aux rayons X utilisés en radiothérapie conventionnelle, les hadrons se caractérisent par leur grande précision : ils sont capables de cibler plus directement les cellules cancéreuses, sans impacter les tissus sains environnants. Le LPC, fortement investi dans le développement de l’instrumentation, des équipements et de la dosimétrie, est également moteur dans la réalisation d’un outil de simulation destiné aux praticiens opérant en radiothérapie et, à terme, en hadronthérapie.
REPÈRES
Créé en 1947 par le professeur Scherer, alors titulaire de la chaire de Physique à l’université de Caen, le laboratoire s’est développé autour de l’étude du rayonnement cosmique dit « corpusculaire ». Les physiciens menaient alors leurs expériences dans les carrières de calcaire de May-sur-Orne, au sud de Caen. L’avènement des détecteurs et des accélérateurs de particules dans les années 1960-1970, et en particulier la construction du GANIL à la fin des années 1970, a marqué un tournant pour le LPC, qui s’est progressivement tourné vers l’étude du noyau atomique, les équipes engageant des expériences auprès du CERN à Genève (Suisse), ou encore de l’installation SATURNE à Saclay, près de Paris.
Le LPC est une unité mixte de recherche (UMR 6534) sous tutelle de l’École nationale supérieure d'ingénieurs de Caen ENSICAEN, de l'université de Caen Normandie et du Centre national de la recherche scientifique.
Article à retrouver dans le journal de la recherche de l'université de Caen Normandie Prisme n°5 (juin 2017)
Crédits : université de Caen Normandie