Bioplastique, biofantastique : Quelle fin de vie pour les plastiques ?
Publié par Le Dôme, le 5 décembre 2023 1.1k
S’il est vrai que le plastique est la plus grande pollution de tous les temps, peut-on compter sur les bioplastiques et les matériaux biosourcés pour le remplacer ? Telle était la question posée aux publics de cette nouvelle édition des rencontres “Le vrai, le faux, le flou” le 17 octobre 2023. Dans cette seconde partie de la restitution de cette rencontre, les spécialistes reviennent sur la problématique de la fin de vie de ces matériaux.
Deux millions de tonnes de plastique produites en 1950, 234 millions en 2000, 460 millions aujourd’hui et, selon l’OCDE, entre 800 millions et 1,2 milliard en 2060… dont plus de 10% échapperaient aux systèmes de gestion des déchets et finiraient directement dans la nature. Dans nos océans, nos sols et notre assiette. Si les scientifiques peinent encore à mesurer l’ampleur du phénomène – certain·e·s prédisent qu’il y aura plus de plastique que de poissons dans les océans en 2050 – tous et toutes se disent préoccupées par les conséquences écologiques et sanitaires de “la plus grande pollution de tous les temps”.
Face à la menace que font peser les plastiques sur notre planète et sur nos vies, les scientifiques et les industriels travaillent à des alternatives plus durables, biosourcées et biodégradables. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Après avoir décrypté ce que l'on nomme "plastiques", les spécialistes reviennent sur la problématique de la fin de vie de ces matériaux.
QUELLE FIN DE VIE POUR LE PLASTIQUE ?
Cette question ouvre un nouveau champ de réflexion, celui, selon Joël Bréard, enseignant-chercheur au laboratoire "Aliments, bioprocédés, toxicologie et environnements" (ABTE), de la “soutenabilité”. Il faut prendre en considération “tout le cycle de vie du plastique, depuis sa synthèse jusqu’à sa fin de vie”. Comment est-il produit, à partir de quelles matières en amont et, surtout, que devient-il ?
"Il arrive souvent qu’un produit “recyclé” le soit en un produit de moins bonne qualité
qui lui, ne puisse plus être recyclé"
—Delphine Barbier, Enseignante-chercheuse (Polyvia Formation)
On estime qu’en Europe, 30% du plastique est recyclé, 30% part en décharge, 30% est incinéré et 10% n’est pas géré et se retrouve dans la nature. "Les plastiques indiqués comme étant recyclables ne sont, la plupart du temps, recyclables qu’une seule fois”, éclaire Delphine Barbier, enseignante-chercheuse à Polyvia Formation. “Et il arrive souvent qu’un produit “recyclé” le soit en un produit de moins bonne qualité qui lui, ne puisse plus être recyclé.” On parle même, dans ce cas, de “décyclage”.
D’autres, comme le PET, sont en revanche recyclables jusqu’à sept fois. Les bioplastiques pourraient-ils atteindre cette performance ? L’enseignante-chercheuse fait état d’une étude menée en Bretagne : un bioplastique à base de lin avait été recyclé jusqu’à quatre fois sans perte significative de performance.
Le recyclage des plastiques biodégradables est limité par plusieurs obstacles. Le premier est lié au système de gestion de nos déchets, les circuits de récupération des bioplastiques étant bien moins développés que ceux des plastiques courants utilisés dans les bouteilles d’eau ou de lessive fabriquées en polypropylène ou en PET. La récupération et l’identification de déchets en PLA pour le recyclage ou le compostage sont très peu mises en œuvre et ces déchets sont donc incinérés. “Il faudrait développer une filière pour chaque type de bioplastique alors que les tonnages annuels sont encore très faibles pour l’ensemble”, reconnaît Delphine Barbier.
Certains bioplastiques sont quant à eux oxodégradables, ou oxofragmentables, comme les sachets d’emballage compostables. Cela signifie que sous l’effet de la chaleur et de l’humidité, ils se décomposent en petits morceaux. Les déchets sont plus petits, moins visibles mais toujours présents. Leur petite taille facilite leur migration dans l’environnement et ils continuent de polluer sans être vus. La production d'emballages ou de sacs fabriqués à partir de plastique oxodégradable est interdite depuis le 1er janvier 2022.
UNE MYRIADE DE LOGOS ET DE LABELS
“Il y a de la confusion pour le consommateur et la consommatrice qui ont l’impression de faire un geste pour la planète”, relève une participante. Effectivement, impossible de s’y retrouver dans la myriade de labels et logos “verts”, qui sont sources de désinformation et d’erreurs. Récemment, il a fallu ajouter la précision “compostable en compost industriel, ne pas jeter dans l’environnement” pour que certains produits ne finissent pas dans le compost ménager.
“Mais le principal problème reste celui de la collecte”, poursuit Delphine Barbier. “Tout le monde ne joue pas le jeu du tri sélectif, qui ne concerne que les emballages alimentaires, et pour tous les autres objets en matière plastique, les filières de collecte sont peu ou pas développées.” Qui plus est, sur les différentes collectes, “les matières sont mélangées, dont certaines qu’on ne sait pas recycler”. Il y a enfin certaines matières plastiques qui ne sont pas recyclées car polluées (restes de batterie de voiture pollués au plomb, déchets d’équipements électriques et électroniques contenant des dérivés bromés interdits par les nouvelles réglementations…) ou en mélanges (objets fabriqués avec différentes matières qu’on ne peut pas séparer comme les films multi-couches par exemple).
"Quel plastique vaut-il mieux utiliser ?
Le plus biodégradable ? Le moins nocif pour la santé ?"
— Une "consommatrice"
Alors au final, interroge une “consommatrice”, “quel plastique vaut-il mieux utiliser ? Le plus biodégradable ? Le moins nocif pour la santé ?” Il semble ne pas exister de réponse pleinement satisfaisante. Pour Delphine Barbier, “il faut privilégier ceux qui seront le mieux traités en fin de vie, ceux dont on sait se débarrasser de la manière la plus correcte possible”, et qui sont marqués du Ruban de Möbius, symbole universel du recyclage depuis les années 70. Il est composé de trois flèches formant un triangle.
La question n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. “Il faut que le consommateur fasse la démarche d’aller chercher et creuser, et ne pas prendre pour acquis ce qui est dit”, estime Joël Bréard. “C’est biodégradable, mais à quel niveau ? Au niveau de la chimie, de la physique, de la biologie ?” Il compare la démarche à celle du Nutriscore, pour les produits alimentaires : “C’est un nuancier de couleurs, on est sur les mêmes problématiques.”
POLLUTION DES EAUX
Le Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE) mesure au quotidien les effets de ces pollutions sur l’environnement.
Créé à Brest après le naufrage de l’Amoco Cadiz en 1978, cette association à mission de service public (elle compte dans ses instances de gouvernance des administrations de l’État, des collectivités, des établissements publics de recherche et des acteurs privés) rassemble une équipe d’une cinquantaine de chercheurs, techniciens et ingénieurs spécialisés en pollution accidentelle des eaux. “Nos missions vont du conseil au soutien à l’intervention en passant par la formation des équipes et la surveillance du littoral”, explique Silvère André, ingénieur du CEDRE. “Nous assurons une astreinte 24 heures sur 24 en cas de pollution accidentelle.” Le CEDRE dispose d’un laboratoire indépendant dans lequel sont analysés les prélèvements réalisés par des équipes de bénévoles, partout dans le monde.
"85 à 90% des déchets que l'on retrouve sur les littoraux sont du plastique"
— Silvère André, Ingénieur (CEDRE)
Mais si la surveillance concerne tous les déchets anthropiques, c'est-à-dire résultant de l'activité humaine, l'ingénieur est en mesure d'affirmer qu'en France comme en Europe, 85 à 90 % des déchets que l'on retrouve sur les littoraux sont du plastique. “Quand on retrouve un matériau qui n'est pas dégradé, on va le ranger dans une des catégories que l'on a identifiées”, détaille-t-il. “Par exemple, une barquette en matériau biosourcé mais non dégradée, on va la classer dans les déchets alimentaires. Cette classification nous permet d'identifier les secteurs d'activité dont provient la pollution.”
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Le programme “Des générations plastiques” est porté par le laboratoire “Aliments, bioprocédés, toxicologie et environnements” et Le Dôme. Il bénéficie du label “Science avec et pour la société” décerné par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Crédits : Erik McLean (Pexels, Licence CC).
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