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Doc' in Normandie

Et si on prenait le temps de s’intéresser à la recherche en langues ?

Publié par Alexandre Brizard, le 25 mars 2025   100

Alors que le nombre de doctorants en sciences humaines et humanités a baissé de 24,1% entre 2011 et 2022, il semble important de rappeler l’importance de ces domaines de recherche. Ne bénéficiant pas de la même couverture médiatique que les laboratoires de sciences naturelles, les instituts de sciences humaines et sociales peuvent sembler très déconnectés des citoyens. Aujourd’hui, nous avons donc la chance d’en découvrir plus de ce monde mystérieux avec Léa David, qui nous donne son point de vue depuis sa deuxième année de thèse sur “Le discours sur le corps souffrant dans les correspondances des humanistes Erasme de Rotterdam, Thomas More et John Colet au 16ème siècle en Angleterre”.


Cet article appartient à la collection "Portraits croisés" : 
des parcours de jeunes chercheur·se·s vus par d'autres jeunes chercheur·se·s.


COMMENT DEVIENT-ON DOCTEURE EN LANGUE ?

Sa passion pour l’anglais, c’est ce qui a porté Léa jusqu’à un doctorat en langue. Après un bac littéraire, elle s’engage en licence de “Langues, Littératures et Civilisations Etrangères et Régionales” où elle découvre ce qui deviendra son sujet d’expertise : l’Angleterre du 16ème siècle. Une année en Irlande finira de la convaincre à poursuivre en master de recherche, dans lequel elle poursuivra sa découverte de la dynastie Tudor. 

C’est dans le cadre de ce master qu’elle peut commencer à construire sa future carrière de chercheuse avec l’aide de son directeur de thèse de master. Sur ses conseils, elle tente d’obtenir l’agrégation avant d’en revenir à son objectif premier : la recherche. C’est alors avec ce mentor qu’elle construit son sujet de thèse de doctorat de doctorat. Un sujet de recherche, qu’elle creuse et affine, tant et si bien qu’elle obtient un contrat doctoral au début de sa deuxième année, synonyme d’une thèse financée pour trois ans. Une récompense bien méritée dans un milieu, les sciences humaines et sociales, où les financements sont rares, et où la précarité est un réel obstacle à la réussite.

MAIS DONC, C’EST QUOI CE SUJET DE THÈSE ?

Un petit point historique s’impose pour comprendre ce qui occupe les journées de Léa.

À partir du 14ème siècle, en Italie, on commence à s’intéresser à ce qui reste des textes de l’Antiquité. Les vieilles doctrines gréco-romaines sont remises au goût du jour et rencontrent un franc succès chez les intellectuels de l’époque. L’engouement s’emballe ensuite quand les réfugiés de la chute de Constantinople arrivent en Europe occidentale avec nombre d’écrits anciens, notamment grecs et hébraïques. La passion pour les langues antiques et l’application des préceptes philosophiques grecs et romains se meut en véritable mouvement culturel à travers toute l’Europe, qui connaît son apogée au XVIe siècle et que l’on appelle l’humanisme.

Ce mouvement humaniste est une véritable révolution intellectuelle et entraîne de profondes critiques sur l’organisation politique de l’époque. Un lien se crée entre les penseurs de toute l’Europe, qui trouvent en la langue latine une langue universelle à travers laquelle ils peuvent échanger. L’un des plus grands penseurs de l’humanisme, Erasme de Rotterdam, passera ainsi à la postérité pour son rôle central dans la République des Lettres, la concrétisation épistolaire d’un idéal humaniste de l’époque, une Europe sans frontière pour la connaissance, dont la mémoire est aujourd’hui honorée par le programme européen ERASMUS.

C’est au cœur de cette Renaissance avant l’heure que le sujet de Léa se place : Comment la pensée humaniste apporte un regard particulier sur la souffrance et la maladie, à une époque où les épidémies font rage et la médecine n’apporte encore qu’une aide bien limitée ?

UN SUJET À LA CROISÉE DES MONDES

Attendez une petite minute, on nous parle de doctorat en langues mais ça ressemble bien à de l’histoire tout ça ! “Pas vraiment”, nous dit Léa. Sa thèse se fait sous le prisme de la littérature et de la civilisation. L’histoire joue un rôle, mais seulement pour comprendre le mode de pensée de l’époque, qui ensuite va permettre une lecture plus poussée des textes étudiés. Mais au final, pour Léa, le but est de lier plusieurs domaines d’étude. C’est aussi cela tout son travail, prendre tout l’état des connaissances dans les différents domaines qui peuvent s’approcher de son sujet, et construire de la connaissance en les mêlant. Une entreprise ardue mais très intéressante ! Même si Léa se veut réaliste quant à l’intérêt de son travail. “C’est sûr que je n’ai pas la prétention de révolutionner le monde, mais connaître et pouvoir expliquer le passé est crucial pour faire face aux sujets de société d’aujourd’hui”, et Léa participe, à son échelle, à éclairer d’une lumière nouvelle les parts d’ombre encore à découvrir dans ce passé.

ET À QUOI ÇA RESSEMBLE UN LABORATOIRE DE LANGUE ?

Ici, pas de paillasse, on est loin du laboratoire dans le sens le plus commun. C’est plutôt un espace d’échanges et de discussions entre les différents doctorants, les chercheurs et les post-doctorants. L’échange, c’est vraiment important pour Léa. La motivation de se lever tous les matins pour travailler, elle vient aussi des interactions avec les collègues. De plus, avec des sujets aussi interdisciplinaires, mieux vaut être capable de nouer contact avec des experts de sujets différents.

Finalement, les sciences humaines et sociales semblent bénéficier encore de l’héritage de la pensée humaniste dans son idéal de partage de la connaissance. Et si c’était déjà une excellente raison de vouloir en savoir plus…


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