FarmBot Normandie : une communauté qui prend racine
Publié par Stéphane Dévé, le 24 août 2020 1.3k
Lycée Jules Verne Mondeville (14) : extrait d'un travail de Terminale STI2D. Photo St.Dévé / Cran
Repéré en 2017 par Matthieu Debar du Dôme à Caen, le robot potager open-source californien FarmBot s’est transformé en outil pédagogique et expérimental.
Porté par la Chambre régionale d’agriculture de Normandie (Cran) et le Dôme, financé en partie par la Région Normandie et l’Europe dans le cadre du FEDER, le robot potager s'enracine en Normandie.
20 sites normands en 2020
Avec une équipe renforcée sur 2020 par Carla Delépée et Stéphane Dévé, l’objectif des 20 sites équipés semble en bonne voie comme envisagé à la genèse du projet. Les nouveaux partenaires rejoignent une communauté normande composée de représentants de la DRAAF, du Pôle TES, de l’UIMM, de collectivités... mais aussi de lycées technologiques, agricoles, MFR, universitaires, Tiers-Lieux, écoles d’ingénieurs, Fablabs…
Chacun apporte son expertise au réseau et inversement. La communauté normande s’enrichit ainsi jour après jour d’expériences, de réussites, de découvertes, de compétences nouvelles. Les réunions se déroulent sur les sites équipés pour permettre des échanges participatifs, pour tester et solutionner les éventuelles complexités rencontrées. La convivialité et la richesse de la communauté provient aussi de la diversité de ses acteurs aux origines et univers professionnels différents et surtout complémentaires les uns des autres.
Un outil pédagogique innovant.
Saint-Gabriel-Brécy : première récolte de salades. Photo St.Dévé / Cran
Parmi les rôles attribués à ce robot potager, nous retiendrons en premier lieu, ce rôle fondamental : la pédagogie.
Quelle que soit la porte d’entrée, cet outil valorise la transmission des savoirs d’une manière innovante et transversale. Peu importe le niveau d’études, l’établissement, la filière, chacun avance à un rythme basé sur un référentiel, sur la réussite et l’apprentissage transversal des savoirs au cours duquel sont développées l’autonomie, la réflexion, l’expérimentation... Chaque site équipé aborde ainsi à sa manière, en fonction de son public et de ses filières, toutes les capacités données par ce robot potager : l’assemblage, la logistique, la menuiserie, la robotique, la programmation, l’informatique, la culture de légumes, la biodiversité, la gestion des ressources naturelles, la découvertes de métiers, des filières, l’expérimentation, la réflexion, l’autonomie, le travail en mode projet, les langues appliquées…
Quel(s) regard(s) porter sur la robotique et l’agriculture ?
Ce robot potager est aussi utilisé à des fins de médiations culturelles, sociétales. Notre agriculture et nos modes de cultures évoluent au gré des technologies. Le regard porté par la société évolue t-il au même rythme ? Comment cette évolution est-elle perçue ? Pourquoi le fossé s’est-il creusé entre les consommateurs et nos agriculteurs ? Comment renouer avec une vraie relation de confiance entre producteur et consommateur ?
Pour aborder ces questions, une première enquête sociétale a été menée avec l’IUT de Caen (14) au cours du second trimestre 2020. Les premiers résultats font l’objet d’une étude qui sera complétée par une seconde enquête menée lors du Turfu Festival qui se déroulera au Dôme au mois d’octobre.
En parallèle à ces questionnements, l’environnement et le réchauffement climatique suscitent eux aussi de nombreuses interrogations et ouvrent la voie à une réflexion globale sur l’avenir qui nous attends.
Dans quel monde nous projetons-nous ?
Comment pouvons-nous gérer au mieux l’eau, les sols et les cultures pour nourrir une population toujours plus nombreuse jour après jour, année après année ?
Comment pouvons-nous, comment devons-nous gérer au mieux nos ressources naturelles face à une demande sociétale en perpétuelle évolution, face à une industrialisation de la production, des marchés internationaux qui prônent l’intensivité de la production ?
La question est complexe et mérite une étude sur le long terme.
Un potager expérimental.
Unilasalle : la serre. Photo St.Dévé / Cran
La Chambre régionale d’agriculture de Normandie regroupe autour d’une expérimentation avec ce robot potager, la ferme expérimentale la Blanche Maison dans la Manche (50) et l’université polytechnique Unilasalle à Rouen (76). L’expérimentation est basée sur la thématique de la régénération des prairies en condition de sécheresse extrême. Deux parcelles seront mises en culture.
La première sera située à la Blanche Maison dans une serre connectée sous la surveillance d’un robot qui lui prodiguera des conditions de cultures extrêmes : sècheresse, défaut d’irrigation, vent, chaleur… Le robot sera programmé pour tenir ces conditions particulières tout au long de l’expérimentation.
La seconde parcelle, sera cultivée en condition dite « normale » et extérieure.
La première partie de ce travail sera menée par les apprentis de l’UIMM. Leur mission sera de construire le bac, d’assembler le robot sur site. Pour mener à bien ce travail, ils devront appréhender l’enjeu final de la mission pour concevoir et fabriquer les éléments en fonction des demandes et prérogatives des destinataires qu’ils soient étudiants chercheurs, agronomes, informaticiens, techniciens… Ils devront installer l'ensemble sur site et veiller à ce que tout fonctionne correctement puis assurer la maintenance. Cette partie technique est essentielle ; en effet, elle conditionne la bonne réussite de l’expérimentation.
L’écriture du projet, sa bonne compréhension, la coordination des équipes, la communication entre tous les acteurs seront les clés d’une réussite collective à laquelle, chacun des acteurs pourra faire référence dans son parcours professionnel.
La partie technique réalisée, les étudiants chercheurs de Unilasalle et les acteurs de la Blanche Maison pourront prendre le relais et aborder la partie expérimentale, chacun dans son domaine.
L’étude des résultats réalisée au fil des semaines permettra d’élaborer des données en vue d’établir des études comparatives sur les espèces fourragères expérimentées, leur résistance, leurs faiblesses, les conditions de croissance… en somme, l’étude d’un cycle de vie dans des conditions particulières et notamment en situation de stress hydrique.
Les acteurs de cette expérimentation vont s’appuyer
Selon les chercheurs et les données actuelles, il est tout à fait envisageable que notre région rencontre à l'avenir des conditions de sècheresse extrême et par là-même, envisage l’introduction de nouvelles cultures en Normandie. Les travaux de ces recherches - valorisés aux Prairiales 2021 - permettront certainement d’ouvrir de nouvelles perspectives et d’en étudier les conséquences.
Open badges
Si ce robot potager permet d’aborder ces voies pédagogiques et expérimentales, il a été convenu de l’intégrer dans le processus de la valorisation des soft-skills, ces compétences douces qui ne s’apprennent pas à l’école mais somme toute, essentielles à tout métier.
En effet, la Chambre régionale d’agriculture de Normandie et le Dôme ont jugé judicieux d’intégrer le projet FarmBot Normandie et ses acteurs à la communauté « Badgeons la Normandie".
Soucieuse de valoriser les individus dans leurs acquisitions de savoirs, d'expériences, d'apprentissages informels, les « open badges » viennent dès lors valoriser les compétences non curriculaires et si souvent, marqueurs de volonté et de réussites tant personnelles que professionnelles.
Chaque partenaire de la communauté FarmBot Normandie peut donc valoriser ses parcours soit au travers des open-badges créés par la communauté, soit créer lui-même ses propres badges numériques et les attribuer à ses acteurs selon ses propres prérogatives : validations par les pairs, validation par l’individu lui-même…
Questions de société
Aperçu, testé lors de différents salons ou d’événements, ce robot potager est un formidable vecteur de questionnement sur notre avenir commun, l’agriculture et ses métiers, notre alimentation et la robotisation.
Quelle place voulons-nous accorder à notre production agricole dans un monde en perpétuel mouvement technologique ? Quelles améliorations techniques pouvons-nous accepter pour améliorer les conditions de travail de nos agriculteurs, ou encore, comment attirer nos jeunes gens et jeunes filles dans les métiers techniques, technologiques ou informatiques liés au monde agricole ?
Si la première étape du projet était de mailler la Normandie dans ses structures pédagogiques, d’apprentissages, universitaires… la seconde étape portée en parallèle, est de se questionner, d’aborder des réflexions et pourquoi pas, de changer notre regard sur le monde agricole.
Dès l’origine du projet, les équipes du Dôme ont procédé à la construction de leur propre robot potager de démonstration.
Utilisé comme bac de culture, comme outil expérimental et de démonstration à la fois par la Chambre régionale d’agriculture et le Dôme, ce robot potager est plébiscité à chacune de ses sorties tant régionales que nationales (SIA, Salon de l’orientation, Fêno…)
Des ateliers de réflexion et de conception collectives au Dôme, ont mis en évidence la nécessité de le rendre autonome en énergie et par là-même, de réaliser la construction d’un « compagnon », véritable outil assurant au robot potager, son autosuffisance énergétique au moyen de panneaux solaires, d’un transformateur, de batteries…
Devant un tel engouement collectif, ce robot potager ouvre une nouvelle ère et se sédentarise désormais pour devenir un outil de médiation au sein même des espaces du Dôme à Caen.
Porté par « le Collectif La Maison », un atelier grand public est proposé chaque premier mercredi du mois pour devenir ainsi, une véritable occasion de découvrir la robotique, apporter son grain de sel à la mise en culture de légumes ou encore, participer à des ateliers collectifs, qu’ils soient techniques, porteurs d’une réflexion, ou encore agricoles…
Un poids plume.
Le robot potager nomade de la Cran en cours de construction : Photo St.Dévé / Cran
Fort des expériences vécues et de son succès à chacune de ses sorties, il a été décidé de concevoir un nouveau robot potager qui devra continuer à faire tourner les méninges…
C’est donc dans le Fablab du Dôme que l’équipe dédiée de la Chambre régionale d’agriculture, s’est attelée à construire un nouveau robot potager avec la particularité de le rendre encore plus nomade. Conçu pour une efficacité et un gain de poids optimum, c’est un FarmBot miniaturisé qui a été construit en aluminium dans un format réduit (100x110x130mm).
Si ses fonctionnalités restent les mêmes, ce robot potager a gagné en praticité avec toujours comme vocation première, de promouvoir l’innovation pédagogique portée par une communauté normande investie, de présenter les filières porteuses d’avenir mais aussi et surtout, de continuer à susciter le questionnement sur le rôle et l’acceptabilité de la robotique dans l’agriculture.
Ce nouveau robot potager sera présenté dans le cadre des salons et animations portées par la Chambre régionale d’agriculture de Normandie, au Village By CA Normandie à Colombelles (14) ou encore, lors d’événements au Dôme.
Des racines et des projets.
La communauté constituée autour du robot potager FarmBot s’enracine dans une Normandie innovante, audacieuse.
Prenant en compte la diversité de son réseau, les attentes de chacun, la Chambre régionale d’agriculture et le Dôme à Caen, veillent à l’animation du réseau, visent à fédérer les intentions de chacun pour porter ou accompagner les projets de ses membres dans une ambition commune : inscrire dans le temps une volonté d’action, de médiation, de questionnement, d’innovations pour permettre un épanouissement individuel et collectif sur fond de questions agricoles, pédagogiques et scientifiques.
FarmBot Normandie est un projet pédagogique soutenu par l'Europe (FEDER), la Région Normandie et porté par la Chambre régionale d'agriculture de Normandie et le Dôme.
Retrouvez tout le dossier FarmBot Normandie ici.
Contact : Carla Delépée - Stéphane Dévé, Chambre régionale d'agriculture de Normandie
prenom.nom@normandie.chambagri.fr