Laurent MALYS, artiste en résidence à l’université Le Havre Normandie
Publié par Université Le Havre Normandie Service culturel, le 1 février 2018 1.9k
Originaire de la vallée de la Fensch en Moselle, Laurent MALYS vit aujourd’hui à Nantes où il a intégré les murs de la Bonneterie, à Rezé, au sein de la coopérative Artéfacts et est associé à un laboratoire le CRENAU, spécialisé dans les ambiances urbaines. Le parcours de cet artiste ancré dans le courant des « arts numériques » a débuté à l’ENS Cachan. A travers la découverte du code, il a souhaité en faire le terrain d’expérimentation de ses créations et s’engager sur les questions de l’implication et de l’impact des nouvelles technologies dans nos vies. Internet, considéré et proposé à l’origine comme un « terrain de liberté » et d’amélioration de la vie devrait pouvoir le rester.
Même si ses créations n’en traitent pas ostentatoirement, Laurent MALYS s’est emparé de ces problématiques qui questionnent sa proposition artistique de développement multimédia… mais pas uniquement. Sa création propose aussi la fabrication d’objets, de machines à fabriquer des dessins, à exploiter le son, les harmoniques et les rendre visuel. La programmation et la création de matériel étant simplement les vecteurs de ses idées créatives.
Laurent MALYS est en résidence avec l’université Le Havre Normandie, jusqu’au mois de février 2018, attardons-nous quelques instants sur cette trajectoire.
Bonjour, Laurent MALYS qui êtes vous ? Quel est votre parcours ?
En parallèle d’études de Sciences de l’ingénieur appliquées à l’environnement urbain, j’ai commencé à utiliser l’outil numérique comme outil de création. La découverte du code que j’ai commencé à utiliser pendant ma thèse a été le déclencheur d’une recherche qui s’est avérée plus artistique que scientifique, comme on peut l’appréhender dans le sens académique du terme.
Rapidement, j’ai été amené à réaliser de la scénographie avec les outils que je développais pour le spectacle vivant, la danse notamment, ou des performances. Le code m’est alors apparu comme un biais ludique, ce qui m’a donné envie de le détourner de son champ d’application habituel et de l’axer sur la vidéo et la musique. Mon projet artistique est d’abord marqué par des influences d’artistes gravitant notamment autour du projet « OpenFrameworks », un environnement de programmation opensource développé par et pour des artistes, par exemple le collectif « Grafiti research lab ». Depuis le début de l’informatique, des artistes se sont emparés de cet outil comme terrain d’expérimentation de créations artistiques, de réflexions sociétales, éthiques et philosophiques. Avec différentes écoles et influences comme le milieu hacker qui détournent les technologies de façon critique et souvent créative, ou encore la « scène démo » dont un des principes est d’utiliser le moins de ressources possibles et faire des économies de moyens dans leurs créations et propositions.
Pouvez-vous nous présenter votre projet ?
Mon projet consiste à créer des interactions entre l’image et le son. Donner à voir et faire ressentir les fonctions et les comportements de systèmes, qu’ils soient techniques, mathématiques, biologiques ou sociaux. Créer des émotions et les partager à travers des applications audiovisuelles, des installations et des performances. Je me positionne en cela à la croisée des chemins entre la création sonore, les arts visuels et l’art interactif.
Pourquoi ce travail de création ?
Mon travail de création s’articule avec engagement dans un réseau d’artistes qui se questionnent sur la création et la manière de l’envisager. A travers mes réalisations, je souhaite aussi porter un regard sur l’usage des technologies, sur la manière dont elles peuvent induire des comportements dans nos vies et aller jusqu’à une forme de contrôle. Sans pour autant tout rejeter en bloc, je porte un regard critique sur la diffusion de la culture numérique. Mon engagement porte aussi le souhait d’une « démocratisation » de la diffusion de la culture numérique au plus grand nombre. Comment la diffuser sans favoriser ceux qui en sont plus facilement imprégnés ? Comment apprendre à s’en servir sans qu’elle nous asservisse ? Un enjeu de facilitation des usages et de réduction de la fracture numérique avec l’appui de la forme artistique. Ces idées j’essaye de les proposer en évitant d’être trop conceptuel. C’est la raison pour laquelle les formes que j’utilise se veulent simples d’accès : les jeux vidéo, la musique, les animations, la fabrication d’objets.
Pourquoi avez-vous choisi de venir en résidence à l’université ?
L’intérêt de réaliser cette résidence est de partager et d’interagir avec le public étudiant et le corps enseignant. Cette perspective et ce projet me tiennent particulièrement à cœur.
Que pensez-vous apporter à la communauté universitaire ?
L’université est par essence un lieu de transmission et de savoir. Si aujourd’hui les étudiants participant à ma résidence ont plutôt des profils scientifiques, ouverts à l’informatique ; ma volonté est aussi de rencontrer des étudiants de tous horizons, de m’ouvrir à d’autres profils, ce qui permettrait de dépasser l’échange entre spécialistes.
Pour autant, il est aussi intéressant pour moi de sensibiliser ces spécialistes, aux codes et aux algorithmes, pas uniquement comme des outils technologiques, mais comme biais d’expression et de compréhension de notre monde. En cela, la découverte du code créatif est un moyen, un prétexte pour en montrer l’utilisation. Sur ce projet en particulier, ce qui m’importe est d’avantage d’analyser la « manière de faire » plus que le résultat final atteint, en partageant cette idée : d’être les hommes que l’on doit être, capables de « maîtrise ».
Je m’appuie pour cela sur le projet du Pendule de Foucault, qui nous fait porter un autre regard sur une technique. Le pendule est en fait un outil de médiatisation scientifique, qui donne à voir « ce que l’on savait déjà ». Le Pendule est plus lié à l’histoire de la science, qu’une découverte scientifique en elle-même. Matérialisant la rotation de la terre, principe physique qui était déjà observé à l’époque, il rend sensible cette théorie scientifique, un peu comme j’essaie de le faire dans mon travail.
L’expérience étant déjà entamée qu’avez-vous envie d’en partager à la fin de ce premier mois de résidence ?
Après une semaine d’exploration et de mise en place de la résidence, nous entrons dans la phase d’expérimentation. La collaboration créée avec les étudiants et les enseignants aura pour finalité de créer quelque chose qui nous parle. Que ceux-ci soient imprégnés ou non de nouvelles technologies, nous aurons à notre disposition des machines comme le spirographe (machine à dessiner), un harmonographe (machine à dessiner utilisant des pendules), le matériel mis à disposition par le Fablab de l’université, puis la programmation qui nous permettra d’aller plus loin dans l’exploitation de ce qui aura été inventé. Nous aurons au travers de ces mises en œuvre une discussion et une réflexion de fond et aborderons ce débat intellectuel comme une distraction.
Le travail de Laurent MALYS
À base de code informatique, de fabrication numérique et de détournements créatifs, mes travaux ont pour préoccupations constantes de faire apparaître des mécanismes cachés ou implicites et de susciter un intérêt critique pour les technologies anciennes ou nouvelles, omniprésentes dans notre quotidien et pourtant peu maîtrisées.
Des jeux vidéos aux galeries d’art, en passant par la fabrication numérique ou les mèmes internet, ils se situent au carrefour des arts populaires et de l’art contemporain tout en permettant de questionner de façon créative et ludique les progrès et les dérives de la société de l’information.
http://www.laurent-malys.fr/a-propos/