MÉDIATION > À la recherche de la conférence idéale

Publié par Virginie Klauser, le 9 mai 2017   1.6k

Imaginez une rencontre avec un public de lycéens ou d’apprentis qui n’en ont pas choisi le thème ou, pire encore, n’ont pas choisi de venir. Un vrai défi. Alors, comment créer la conférence idéale pour ce public ?

Lorsqu’un sujet nous passionne peu importe le conférencier, le contenu se suffit à lui-même mais imaginons une rencontre avec un public captif de lycéens ou d’apprentis qui ne s’intéressent pas particulièrement au thème abordé et ont encore moins choisi de venir la suivre. En tant que médiateurs culturels, nous nous sommes tous retrouvés dans cette situation au moins une fois. Alors, comment contourner ces obstacles pour faire de cet évènement une réussite ? Une conférence qui les inspire, les questionne, les ouvre sur un sujet de société. Une conférence où ils ne seront pas passifs mais auront envie de donner leur avis et d’interagir avec l’intervenant. En bref, comment créer la conférence idéale pour un public captif ?

Cette question, nous nous la posons chaque année au moment d’organiser les rencontres “Grand témoin”. Organisées depuis 2012 dans le cadre des “Parcours culturels scientifiques” mis en place avec la Région Normandie et le Rectorat de l’académie de Caen, ces conférences invitent un public de 500 jeunes normands à rencontrer un intervenant reconnu dans son domaine. Une étape-clé pour offrir une ouverture sur un sujet de société à ces lycéens et apprentis… un défi à renouveler tous les ans !

DES SUJETS QUI INTERPELLENT

Premier levier sur lequel nous pouvons jouer pour mobiliser le public : le thème. Plusieurs pistes sont envisageables pour trouver le bon. La rencontre peut ainsi se faire l’écho d’une actualité qui suscite de nombreuses interrogations et anime des débats.

Elle peut également s’imaginer dans un cycle de rencontres, un regroupement de manifestations ou des semaines thématique comme la Semaine des mathématiques, par exemple. Enfin, le sujet peut se traiter de manière pluridisciplinaire pour apporter un éclairage plus large de la problématique. On veillera aussi à alterner les disciplines d’une année à l’autre afin de diversifier au maximum la proposition.

Ainsi, la rencontre “Grand témoin” 2014 abordait la thématique du piratage informatique et de la propriété de l’information, celle de 2017, la robotique et les intelligences artificielles. Deux thématiques de sciences et de société qui touchent directement au quotidien de ces jeunes.

DES INTERVENANTS QUI CAPTIVENT ET INSPIRENT

Lorsque l’on ne peut pas “jouer” sur le thème, cela peut être l’intervenant qui fait toute la différence. Cela a été le cas pour nous en 2013 lorsqu’il s’est agit de parler de physique quantique à des lycéens et des apprentis. En véritable showman, le chercheur Julien Bobroff a ainsi su se mettre à la portée de son public et le captiver grâce à une série d’expériences de supraconductivité réalisées en direct.

Autre catégorie d’intervenant potentiellement intéressant, les personnalités “Coup de coeur” aux parcours de vie inspirants à l’image de Cesar Harada, invité des rencontres 2015. Inventeur et environnementaliste d’une trentaine d’années, Cesar Harada constitue un vrai modèle pour des jeunes qui construisent leur avenir. Son ouverture, son énergie et son accessibilité ont également facilité les échanges avec la salle.

Associer plusieurs intervenants est possible. En 2012, le dessinateur de presse Tignous était présent aux côtés d’Antonio Fischetti. Ses interventions dessinées apportaient une touche d’humour aux propos du journaliste. En 2016, les membres du collectif DataPaulette ont pris la parole à tour de rôle et ainsi enrichi le discours de leurs personnalités différentes. Une bonne façon d’éviter le risque de monologue et d’ennui inhérent à ce format de médiation très descendant.

UN CHOIX ASSUMÉ : CELUI DE L’INTERACTIVITÉ

Dernier levier pour rendre une rencontre dynamique : l’interactivité. En effet, nous privilégions toutes les formes d’interactions possibles entre l’intervenant et l’auditoire. Un choix qui nécessite une importante préparation et dont les modalités varie d’une année à l’autre, le but étant d’en tester de nouvelles ou d’en modifier certaines pour dépasser le traditionnel format “Question/Réponse”.

Ainsi, un travail est effectué en amont de la rencontre avec une classe pour permettre une mise une interaction plus ciblée avec l’intervenant. Ce travail, mené par une médiatrice, permet de mettre en valeur les différentes filières d’étude et d’entraîner les jeunes à l’exercice de prise de parole en public. Cela encourage également les autres élèves présents dans le public à participer par un processus d’identification.

En 2014, les apprentis-charpentiers du BTP-CFA de l’Orne (Saint-Paterne) avaient quant à eux choisi de faire leur présentation sous la forme d’un combat de catch “Pour ou contre le téléchargement gratuit”. Chaque question constituait un round, chaque argument un adversaire. Le public était invité à indiquer sa préférence à l’aide de simple papier de couleur. Ce format a très bien fonctionné cependant l’intervenant, le mathématicien Gilles Dowek, n’apportait son éclairage qu’à la fin du combat, ce qui a généré beaucoup d’attente. Le dispositif a été amélioré sur une édition ultérieure pour permettre à l’intervenant de répondre à la suite de chacune des questions et ainsi rythmer davantage la conférence.

Autre exemple avec le livetweet organisé en 2013 avec les élèves du Lycée Dumont d’Urville (Caen) autour de l’intervention du chercheur Julien Bobroff. Pendant deux heures, la dizaine de lycéens formés ont assuré la retransmission en direct sur Twitter de la conférence sur la physique quantique et la supraconductivité. Les tweets apparaissaient dans la salle, une configuration qui a permis de recueillir les sentiments des élèves présents dans le public mais aussi les questions posées par des publics extérieurs. Cette configuration a offert une voie alternative de prise de parole pour les jeunes présents dans la salle, leur donnant la possibilité de soumettre les questions qu’ils n’auraient pas osé poser directement à l’intervenant.

Dernier exemple le plus récent avec l’édition 2017. Après un échange avec le chercheur Grégory Bonnet (GREYC) sur l’expérimentation de robotique qu’ils menaient dans leur établissement, les élèves de Terminale STI2D du Lycée Julliot de la Morandière (Granville) ont questionné la salle en utilisant l’application de sondage “VOTAR”. Objectif : recueillir les grandes tendances d’opinion dans le public sur un sujet pour permettre à l’intervenant de réagir en direct.

En bref, ce genre de rencontre demande beaucoup de préparation, le succès y est conditionné très en amont. Une des clés de succès réside peut être dans le fait de la diversité des publics présents, en effet un public hétérogène avec des lycéens de filières différentes et des apprentis ont des objectifs différents ce qui conditionne et oriente notre énergie à proposer une rencontre accessible aux plus grande nombre.

TRUCS & ASTUCES

Pour finir, quelques conseils supplémentaires en vrac :

  • Filmer en direct permet de s’imposer de prendre le temps nécessaire à la préparation de l’événement. En effet, la réalisation vidéo nécessite un séquençage précis. La retransmission en direct dans la salle apporte également une ambiance intéressante ;
  • Favoriser l'alternance de prises de parole pour rendre le format plus rythmé ;
  • Trouver un sujet qui parle au quotidien des publics pour capter l’attention et favoriser l’écoute.
  • Favoriser l'expérimentation pour améliorer la participation ;
  • Limiter la durée de la rencontre à 2 heures maximum pour ne pas perdre l’attention des publics ;
  • Ne pas répondre à un sujet des programmes scolaires permet de faire une ouverture. Un travail d’accompagnement pour préparer la conférence est un plus (avec des pistes pédagogiques relayées par le professeur du service éducatif quand c’est possible ou avec un médiateur pour travailler le support d’interaction avec l’intervenant).