MÉDIATION > Workshop et filière professionnelle

Publié par Virginie Klauser, le 28 février 2017   1.2k

Imaginer un prototype mélangeant électronique et textile, monter une imprimante 3D, concevoir une barrette lumineuse pour illuminer une coiffure, autant de thèmes d’ateliers mis en place avec un public scolaire en filière professionnelle.

“Je peux pas, j’ai workshop !”. Participer à un workshop, c’est la grand tendance du moment. Que son format soit plutôt court (en demi ou à la journée) ou carrément plus long (sur plusieurs séances de travail), les objectifs d’un workshop restent les mêmes : aborder un thème de manière collective, partager son point de vue, son expérience et imaginer des solutions à la problématique soulevée. C’est l’endroit idéal pour se former, apprendre et exprimer sa créativité.

Choisir un public scolaire en filière professionnelle n’est pas anodin. Ces élèves sont déjà dans une démarche d’apprentissage et de mise en application au quotidien. Les objectifs sont multiples, il s’agit de bousculer leurs habitudes, de les ouvrir à d’autres expériences professionnelles, de leur poser des questions nouvelles tout en leur permettant de rencontrer des métiers, des technologies nouvelles, des artistes ou des chercheurs.

COMMENT CHOISIR LA THÉMATIQUE ?

Première étape déterminante : trouver la bonne approche pour motiver les élèves et s’inscrire dans une complémentarité avec les enseignements qu’ils suivent. On choisit donc une thématique pertinente proche de leur environnement scolaire ou culturelle pour associer les apprentis et les intervenants scientifiques, techniques et, parfois artistiques.

Pour les apprentis de deuxième année de CAP Coiffure (CIFAC, Caen), nous avons par exemple chercher à valoriser leur créativité capillaire dans une mise en scène lumineuse. Le thème du workshop a donc été la création d’une barrette électronique “faite-maison” sur une coiffure déjantée phosphorescente et clignotante, le tout sublimé par la technique du lightpainting avec l’aide d’une photographe et d’un chercheur en physique.

Les étudiants en BTS Communication de l’AIFCC Caen ont quant à eux participé à une journée de créativité sur l’écriture et les nouveaux usages numériques. Répartis en groupe, ils ont ainsi pu partager leurs idées, tester les technologies et créer des scénarios répondant à leurs besoins de futurs professionnels. 

On obtient des prototypes qu’ils partagent devant l’assemblée, le tout avec un sentiment de liberté dans leur création et dans leur choix : aucune limite dans leur processus d’imagination, si ce ne sont celles de la technique.

QUEL FORMAT CHOISIR ?

L’ambition donnée au workshop va déterminer le temps que l’on va y consacrer. On peut ainsi proposer un atelier 6h à des lycéens en filière mode comme un d’une dizaine d’heures, réparties en plusieurs séances, à des CAP Charpentiers. Attention ! L’intérêt suscité par l’activité est plus difficile à maintenir sur ce second format, d’autant plus avec le cas de l’alternance, puisqu’il faut sans cesse se replonger dans l’activité.

Prenons l’exemple du workshop sur les textiles connectés organisé avec le collectif DataPaulette pour des élèves de Seconde de filière mode du Lycée Victor Lépine (Caen). En guise d’introduction à cet univers particulier, les élèves ont participé à une conférence donnée par les membres du collectif où l’accent a été mis sur l’appropriation du textile par le numérique. La rencontre se jouait à plusieurs niveaux : chaque artiste du collectif a présenté son parcours, ses créations ainsi que son métier puis des exemples de réalisations pour faire rêver le public.

Les lycéens en filière mode ont ensuite participé le lendemain à une journée de workshop, avec comme principaux objectifs d’ouvrir leurs horizons, d’apporter un complément à leurs enseignements en leur faisant rencontrer des professionnels dans leur domaine et de découvrir de nouvelles pratiques. Les premiers sentiments envers les outils de prototypage rapide du Dôme ont été plutôt négatifs : “Oh non, je déteste travailler sur ordinateur !”. Les membres de DataPaulette ont ensuite présenté les matériaux électroniques que l’on pouvait insérer dans du tissu ou de la laine. Il a bluffé le public avec sa tricoteuse assistée par ordinateur, car en moins de 10 minutes il a reproduit une image numérique sur un échantillon tricoté. 

Au fur et à mesure de la journée, le public s’est détendu, imaginant des prototypes de chaussettes ou de short lumineux réagissant à la pression. Certains élèves se sont bien sûr lancés dans la couture, tandis que d’autres ont agrémenté leur vêtement par une broche imprimée en 3D et dotée d’une LED. D’autres encore ont imaginé une robe piano. Cette matinée où ils appréhendaient d’utiliser des machines numériques était déjà loin. Cette journée s’est achevée par une présentation de tous leurs prototypes réalisés ou imaginés sur des plans avec plein d’envies et d’idées pour continuer à développer leur imagination. 

Autre exemple avec un workshop mené sur plusieurs séances (10 heures au total) avec une classe de 2ème année de CAP Charpentiers du BTP CFA de l’Orne (Alençon-St Paterne). Il s’agissait de réfléchir à l’apport des technologies dans leur futur métier et de les accompagner dans leurs apprentissages en leur donnant la possibilité de monter une imprimante 3D dans le but de réaliser des prototypes en plastique avant de les fabriquer en bois. 

L’imprimante est arrivée en kit avec un lien vers la notice de montage en anglais. Une fois le tout traduit par leur enseignant (les apprentis ne maîtrisaient pas du tout cette langue), ils se sont organisés en 3 équipes avec des responsables : montage bois, électronique et tête d’extrusion. Certains ont exploré les divers composants de la machine tandis que d’autres ont recherché les fichiers compatibles pour les futures impressions. Chacun a ainsi trouvé sa place dans l’organisation des séances en fonction de ses envies et de ses compétences, un chef faisant le lien entre toutes ces équipes. 

Au cours de ce parcours, les apprentis charpentiers ont également participé à une rencontre avec Gilles Dowek, Informaticien et Mathématicien, dont le sujet portait sur le piratage informatique. Cette rencontre a été menée comme un débat confrontant les pour et contre de quelques pratiques et en interrogeant la salle remplie de lycéens et d’apprentis. Un travail qui a permis d’aborder l’open source, le partage gratuit des informations, enjeu important dans l’univers des imprimantes 3D, puisque le modèle choisi pouvait se démonter, se modifier, s’améliorer à l’infini, chacun apportant des ressources et commentant le travail des uns et des autres. 

La machine était montée et réglée pour les premiers tests d’impression après plusieurs séances avec le Chef d’atelier du Fablab du Dôme. Les apprentis se sont également formés au logiciel de création de fichiers adaptés à l’imprimante 3D. Ils ont ainsi pu créer eux-mêmes le modèle d’épure qu’ils souhaitaient reproduire et l’imprimer jusqu’à trouver les bons réglages et paramètres. La machine est aujourd’hui utilisée dans l’établissement par d’autres classes et continue de servir les projets portés par les enseignants.

POUR QU’UN WORKSHOP FONCTIONNE…

  • Posez d’abord les contraintes connues, comme le planning, qui dépend de l’alternance. Fixez la date dès la rentrée, voire même en juin pour la rentrée suivante, en se gardant des dates de secours est un bon moyen d’anticiper les imprévus.
  • Faîtes des liens avec le quotidien des participants.
  • Dépassez les a prioris en trouvant un élément moteur.
  • Chacun peut endosser un rôle bien défini et trouver sa place dans cette effervescence.
  • Il se peut que la mayonnaise ne prenne pas si vous utilisez le numérique aussi, ne soyez pas trop ambitieux dans vos attentes.
  • Avoir quelques pré-requis d’utilisation des logiciels est un gain de temps, car leur apprentissage peut être chronophage.
  • Sur un workshop court, les réalisations ne sont parfois que des plans ou des prototypes qui pourraient être améliorés. Essayez de ne pas rester sur une frustration en facilitant leur retour ou en donnant la possibilité de retrouver les contributions sur un plateforme de partage de projets.
  • Mélangez les acteurs : différentes disciplines ou métiers peuvent être associées au projet, des intervenants qui développent un axe du sujet comme le physicien qui aborde les concepts de la lumière et la photographe qui les utilisent pour éveiller et mettre leur créativité en action. Des jeunes issus de différents cursus scolaires peuvent également cohabiter et s’enrichir mutuellement.
  • Créez une ambiance conviviale.
  • N’organisez pas un workshop tout seul, associez-le à une rencontre avec un professionnel du secteur, intégrez-le à un parcours plus large comprenant une rencontre avec un professionnel, des visites de sites ou de laboratoires. Le workshop peut être le point de départ de ce parcours ou une étape intermédiaire.

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