"Sans convictions, on ne va pas très loin"

Publié par Guillaume Dupuy, le 5 mars 2020   2.8k

Passionné. Engagé. Voilà les deux premiers mots qui nous viennent en tête lorsque l'on rencontre Quentin Rollet. Des qualités dont ce jeune chercheur en Santé publique de l'Université de Caen Normandie aura besoin pour relever le défi qui lui a été lancé : mieux prévenir pour mieux guérir.

Quentin Rollet, 28 ans, est originaire de Bourgogne. Il arrive en Normandie à l'âge de 14 ans, obtient son Bac à Coutances puis s'installe à Caen. "Je suis arrivé à la ville !", s'amuse-t-il. Le jeune homme poursuit des études de sciences pharmaceutiques à l'Université de Caen Normandie. "Je voulais suivre des études qui m'intéressent, je voulais aussi un travail qui me plaise. Les deux ne vont pas forcément ensemble. Les enseignements en pharmacie m'ont beaucoup plu, pas les débouchés. J'ai donc changé de voie."

Quentin se réoriente dans le domaine de la Santé publique. Après son Master, il pense poursuivre vers une thèse au sein de l'Unité de recherche interdisciplinaire pour la prévention et le traitement des cancers (ANTICIPE) mais les choses ne se passent pas comme prévu. "Un problème administratif" précise-t-il. Le laboratoire lui propose alors un poste d'ingénieur de recherche.

UNE OPPORTUNITÉ INCROYABLE

Quentin accepte. "Ça correspondait à un moment où je voulais sortir de mon statut étudiant, de la cité universitaire." Au sein de l'équipe du Pr Guy Launoy, sous la direction d’Elodie Guillaume, Quentin s'intéresse principalement au "Mammobile", un camion équipé de matériel de radiologie qui se déplace au plus près des populations pour réaliser des examens de dépistage du cancer du sein. "Le programme existe depuis plusieurs années dans l'Orne mais n'a jamais pu être évalué avec la rigueur scientifique nécessaire." L'ingénieur développe donc une méthodologie. "Nous avons identifié 400 zones éloignées des centres de radiologie en Normandie. Le Mammobile va intervenir sur 200 d'entre elles. La comparaison entre les secteurs couverts et non-couverts nous permettra d'évaluer l'efficacité du dispositif pour proposer, ou non, son extension à tout le territoire."

Cette année de transition, Quentin l'a vécue comme une "opportunité incroyable" qui lui a permis de conforter son projet professionnel et son goût pour la recherche. "J'ai rencontré des nouvelles personnes et travaillé avec des chercheur·se·s pour résoudre des problèmes complexes. C'est ça qui me plaît dans la recherche. Toutes ces forces humaines qui s'emparent d'un sujet, étudient des données, proposent des hypothèses et résolvent des problèmes de nos sociétés, c'est extraordinaire !"

FACE AUX INÉGALITÉS

Aujourd'hui en thèse, Quentin poursuit son travail d'évaluation des programmes de prévention du cancer du sein. Une recherche fondamentale pour le jeune homme. Il cherche donc à identifier les éléments sociaux ou territoriaux de blocage, "A-t-on réellement les mêmes chances lorsque l'on habite dans une grande ville métropolitaine, dans une zone rurale reculée, ou encore en Guyane, à trois heures de pirogue du premier cabinet de radiologie ?", pour proposer des solutions. "L'objectif est de lever toutes les barrières pour que la participation, ou non, d'une femme à un programme de dépistage ne relève plus que du seul choix personnel."

Il reste deux ans à Quentin pour relever ce défi. Et après ? "J'espère pouvoir poursuivre mes recherches sur les inégalités sociales en santé." Un engagement qui semble aller au-delà du seul domaine professionnel. "Plus je m'intéresse à ce sujet, plus je me sens concerné. Il faut bien sûr faire la part des choses entre mes opinions citoyennes et mon expertise scientifique mais, sans convictions, on ne va pas très loin. La recherche est une démarche longue, parfois difficile. Je ne pense pas que l'on puisse s'y engager sans une source profonde de motivation."

En attendant, Quentin participera le 12 mars prochain aux sélections régionales du concours "Ma thèse en 180 secondes" par goût du défi mais aussi du partage. "Si on veut que la science continue d'évoluer, il est indispensable que les scientifiques la diffusent et que la société la comprenne. Cet événement nous offre l'opportunité de partager nos connaissances mais aussi notre vision de la recherche, notre ambition pour la thèse. Ce serait dommage de garder tout ça pour nous !"

Crédits : Le Dôme/G. Dupuy (DR).