Rencontre : Lydiane Aubé, le bien-être des vaches laitières au pâturage

Publié par LIT OUESTEREL, le 5 juin 2021   1.5k

Lydiane Aubé, post-doctorante dans la Chaire Bien-être Animal de VetAgro Sup et à l’UMR Herbivores (INRAE – VetAgro Sup) mène des travaux de recherche en vue de développer et de valider des indicateurs de bien-être des vaches laitières au pâturage. Elle participe au projet Tripl’XL sur le domaine expérimental INRAE du Pin au Haras, dans le but d’objectiver le bien-être des vaches laitières au pâturage.

Invitée à intervenir lors de la conférence du 11 juin intitulée “ Elevage et bien-être animal, on en parle ”, elle a accepté de répondre à nos questions sur le bien-être des animaux d’élevage.


  • Pouvez-vous nous présenter votre parcours et vos projets de recherche ?

J’ai tout d’abord obtenu en 2010 une licence parcours Biologie des organismes et des populations à l’université d’Angers. Puis, j’ai intégré le master recherche Comportement animal et humain à l’université de Rennes 1. J’ai ensuite mené des travaux de recherche sur le comportement des animaux à l’étranger : travaux sur les dromadaires en Tunisie et sur les chevaux en Italie.

En 2016, le Centre de recherche et de développement de Sherbrooke (au Québec) m’a accueilli pour y réaliser un doctorat. Le sujet de ma thèse portait sur l’élevage des truies en plein air, au pâturage. Depuis janvier 2020, je réalise un post-doctorat à VetAgroSup (Chaire Bien-être animal et INRAE UMR Herbivores) qui porte sur le bien-être des vaches laitières au pâturage. Je collabore avec le domaine expérimental du Pin au Haras, pour étudier sur le terrain les comportements des animaux, dans le but d’objectiver le bien-être des vaches laitières au pâturage.

  • Vos projets de recherche actuels portent sur la pratique du pâturage. Selon vous, cette pratique est-elle incontournable pour le bien-être des vaches ?

La pratique du pâturage me semble effectivement incontournable pour le bien-être des vaches laitières. En effet, au pâturage, les vaches laitières vont pouvoir exprimer leur comportement naturel : elles peuvent d’une part pâturer de l’herbe fraiche, et d’autre part, elles disposent d’une plus grande liberté de mouvements, peuvent interagir entre elles, explorer, ... De plus, le pâturage peut avoir d’autres avantages notamment en ce qui concerne la santé des vaches et la prévalence des blessures. Par exemple, l’accès au pâturage permet généralement de réduire la prévalence des boiteries, à condition que les chemins d’accès soient en bon état.

Cependant, le fait que les vaches laitières soient au pâturage ne signifie pas nécessairement que le bien-être est optimal. L’accès au pâturage s’accompagne également de risques pour le bien-être des vaches : au pâturage, les vaches laitières sont davantage soumises aux conditions climatiques, et notamment au stress thermique en période de fortes chaleurs. Par ailleurs, l’éleveur a moins de contrôle sur les quantités ingérées par l’animal, l’alimentation n’est donc pas toujours optimale par rapport aux besoins de l’animal. Enfin, le risque de développer des maladies liées au parasitisme est généralement plus élevé lorsque les animaux sont au pâturage.

En conclusion, le pâturage a, à priori, un plus grand potentiel pour permettre le bien-être des vaches laitières, mais certains aspects du bien-être peuvent être dégradées au pâturage. En bâtiment, l’optimisation du bien-être des vaches laitières est plus limitée, mais sous certaines conditions, le niveau de bien-être peut parfois être meilleur en bâtiment qu’au pâturage.

  • Existe-t-il actuellement des indicateurs d’évaluation du bien-être des bovins laitiers spécifiques au pâturage ?

Il existe des indicateurs d’évaluation du bien-être des bovins laitiers, mais ceux-ci ont été mis en place pour une observation des animaux en bâtiment. Il s’agit, par exemple, de la grille Welfare quality, réalisée dans le cadre d’un projet européen et validée scientifiquement. Ce protocole d’audit en ferme repose sur 4 grands principes : l’alimentation, le logement, la santé, et le comportement approprié. Par exemple, on mesure le confort de couchage des vaches laitières en regardant si des animaux sont couchés en dehors des aires de couchage, si les vaches entrent en collision avec un élément du logement lorsqu’elles se couchent, … Lorsque les vaches sont au pâturage, il ne semble pas pertinent de mesurer cet aspect. A l’inverse, la grille Welfare quality n’évalue pas l’effet du stress thermique sur les animaux au pâturage, qui constitue un des risques majeurs pour les vaches au pâturage. Plusieurs études scientifiques ont permis de comparer le bien-être animal en bâtiment, par rapport à l’extérieur, en regardant par exemple l’incidence des boiteries sur les vaches en bâtiment durant l’hiver, puis durant la période estivale, lorsqu’elles sont au pâturage. Mais il n’existe actuellement pas de protocole de mesure du bien-être au pâturage.

  • En quoi le programme participatif ANIMAGINE porté par l’association du LIT Ouesterel peut-il vous aider dans vos travaux de recherche ?

En vue de développer les indicateurs du bien-être animal, je collecte des données au domaine expérimental du Pin au Haras. Pour valider les indicateurs de bien-être animal au pâturage, il est nécessaire de faire des tests dans des exploitations commerciales. Cela permettra de vérifier si le protocole est applicable en ferme commerciale, et est adapté à tous les systèmes d’élevage. En analysant la variabilité des mesures entre les différents systèmes, nous pourrons également déterminer les seuils qui permettront de calculer les scores de bien-être animal propre à chaque élevage. 

Le but de la grille d’évaluation sera d’étudier pour chaque élevage quels sont les aspects positifs, mais aussi les aspects dégradés du bien-être animal, afin d’en identifier les facteurs de risque, de proposer des solutions, d’étudier les conséquences de leur mise en œuvre et ainsi d’évaluer à nouveau le bien-être. On parle de la boucle d’amélioration du bien-être.

Le LIT Ouesterel, par sa capacité de mobilisation du public et des éleveurs pourra nous aider à recenser des exploitations intéressées pour réaliser ces tests. De façon plus générale, les discussions proposées par le LIT Ouesterel dans le cadre du programme ANIMAGINE avec les éleveurs, les acteurs des filières, les répresentants des pouvoirs publics, le grand public, pourraient apporter des pistes de recherche complémentaires.

  • Le domaine de l’élevage est complexe et pas toujours facile à s’approprier pour un.e citoyen.ne. Pensez-vous qu'ils/elles ont néanmoins un rôle à jouer pour imaginer l'élevage de demain ?

Le grand public est au bout de la chaîne, ce sont les consommateurs.rices, qui sélectionnent les produits en fonction de leurs convictions ou de leurs idées. Il est donc important de proposer des produits qui répondent aux attentes des consommateurs.rices. Ces dernières années, les attentes des consommateurs.rices en matière de bien-être animal et d’environnement se sont accrues. Les personnes s’interrogent de plus en plus sur ce qu’a vécu l’animal tout au long de sa vie, aussi bien au stade de l’élevage et de l’abattage.

Le grand public n’a pas toujours les connaissances suffisantes sur l’élevage et sur le bien-être animal, qui sont des domaines complexes. Il est donc important, d’une part, d’apporter les informations nécessaires pour expliquer ce qu’est l’élevage et le bien-être animal et d’autre part d’impliquer le grand public pour imaginer tous ensemble l’élevage de demain.

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