Le métal sous toutes ses formes : Valentin Biville Fondeur
Publié par Pôle ATEN, le 20 septembre 2018 2.5k
Nous sommes allés dans la Manche à la rencontre d’artisans normands passionnés et passionnants, Valentin Biville et son frère Firmin, tous deux co-gérants de 'Valentin Biville Fondeur SARL'. Situé à Périers, leur atelier se cache derrière une magnifique création réalisée par les deux frères, qui donne une féérie au lieu.
Après nous avoir proposé de découvrir leur lieu de travail et leurs créations, Valentin Biville nous invite à monter pour pouvoir discuter au calme tandis que le four continue de tourner au rez-de-chaussée. C’est donc bien installés sur l’une de leurs œuvres que nous lui posons nos questions.
Leurs parcours sont différents mais chacun apporte à l’autre ce qu’il lui manque.
Valentin est diplômé en métallerie décorative, Chaudronnerie d’art, et Fonderie d’art. Son parcours l’a amené à se former dans des villes comme Coutances (50) ou Argentan (61). Il a finalisé sa formation par un CAP mouleur noyauteur option cuivre et bronze à Eu (76).
Une riche expérience professionnelle complète cette formation bien remplie. A la sortie de son CAP un passage à la fonderie Bocquel, une des 3 plus grosses de France, puis une expérience à la monnaie de Paris enrichissent considérablement son profil. « J’étais plus dans le secteur patine, sur les finitions. C’est une autre taille, il y avait 200 métiers représentés. C’est une très belle institution ».
Son frère, Firmin Biville, est diplômé des Cours Supérieurs de peinture Décorative de Versailles. Ce sont de nombreux chantiers en France mais aussi à l’étranger, Angleterre, États-Unis, qui lui donnent une précieuse expérience dans le décor de prestige : faux bois, faux marbres, laque, dorure, panoramique et traitements des matières.
Ce sont ces compétences variées et complémentaires qui leur permettent de donner vie à leurs projets et de satisfaire leurs clients.
Pourquoi avoir choisi la Normandie comme lieu d’implantation de l’activité ?
« Je suis originaire de Coutances, mes grands-parents sont à Périers. On a commencé dans l’atelier de notre grand père qui était menuisier ébéniste. Ça a démarré comme ça. Puis on a investi dans l’atelier actuel ».
Quant aux outils, il nous cite les différents éléments abrités en ces lieux :
« Secteur métallerie : marbres d’assemblages, scie à ruban, perceuses à colonnes, postes à souder, petits matériels pour frapper, des marteaux, une forge extérieure.
Secteur fonderie d'art : atelier moulage cire, machine à plâtre, dock de décirage, four de fusion, pont roulant ».
Leur atelier dispose également d’un bureau d’étude et d’un showroom, dans lequel nous sommes d’ailleurs installés aujourd’hui.
En nous renseignant sur eux, nous avions entendu parler du thermolaquage, c’était l’occasion d’en apprendre plus :
« C’est une peinture en poudre précuite que l'on l’applique avec un pistolet électrostatique avec un jeu de masse qui va attirer la peinture sur la pièce métallique. On peut accéder à des endroits où une peinture classique ne pourrait pas aller, on a de la peinture aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Tous les solvants classiques sont absents, c’est écologique, on a moins de déchets et ils sont plus facilement collectables ! Une fois l’objet poudré on le place dans le four de 12 M3, avec la chaleur elle gélifie ».
« Ça tient mieux qu’une peinture traditionnelle, ça résiste mieux à l’arrachement et tient mieux sur l’acier ». Valentin Biville nous montre ses sièges sur lesquels est appliquée cette peinture, « on peut mélanger les teintes, faire de nouveaux aspects ».
Qui sont alors les clients ? Des professionnels, des particuliers ?
« Ce sont en réalité les deux, bien qu’aujourd’hui 70% soient professionnels. Un particulier peut venir par exemple pour finaliser un agrandissement d'une verrière, ça peut être pour une console, un meuble, une étagère particulière qu’il ne trouve pas dans le commerce, des luminaires ».
Quant aux professionnels, « C’est surtout sur Paris. On a une clientèle de décorateurs, avec une petite spécialisation sur le piètement de bureau. C’est assez fréquent de faire ça. On fait des pieds bien particuliers pour des bureaux haut de gamme. Nos références sont mondiales : Allemagne, Belgique, États-Unis, France, Portugal ».
Qu’en est-il de la place de l’innovation dans votre entreprise, investissez-vous ?
Valentin Biville nous confie que 15% du chiffre d’affaire annuel est réinvesti dans l’acquisition de nouvelles machines pour l’atelier. Une part conséquente qui lui assure d’avoir toujours ce qu’il faut pour répondre à la demande.
Sur son évolution, Valentin Biville nous confirme doubler son chiffre d’affaires chaque année depuis 2-3 ans.
"En fonderie d’art particulièrement, transformer un objet quelconque en bronze nécessite une grande précision. Beaucoup d’artistes nous contactent ».
Pour ce qui est de la différenciation, les deux frères sont fidèles à leur slogan « Le métal sous toutes ses formes ». Cette volonté et cette capacité à répondre dans les temps à toute demande fait leur force. « Un designer ou architecte qui va venir, quelle que soit la demande, on va pouvoir lui dire oui car si la pièce passe difficilement en tôlerie, on va pouvoir lui proposer une alternative en fonderie afin de réaliser son projet. La seule limite qu’on va avoir c’est le budget ».
« L’aspect innovation quant à lui va plutôt être sur toutes les patines que l’on fait et les échantillons qu’on propose à nos clients. On se démarque là-dessus ».
Comment se passe le développement d’échantillons dans une fonderie ?
« C’est pratiquement 30% de notre temps. On va trouver un process, le tester et le fiabiliser. Parfois on part d’une erreur, parfois on va le chercher. On va chercher de nouvelles matières ou textures et les proposer à nos clients ». Il continue et ajoute « selon la chaleur, la différence de matériaux (on travaille avec de l’inox, de l’acier, des bronzes) et selon le rendu on peut les travailler dans tous les sens pour répondre à la demande le plus proche possible. Cela permet de ne jamais faire la même chose et ce n’est jamais la même pièce. Des choses se rapprochent un peu mais chez nous, 25 pièces, c'est déjà une grosse série ! ».
Une grande part de leur énergie est donc consacrée à l’innovation et à la recherche de nouvelles procédures, ils ne se reposent pas sur leurs acquis et sont en perpétuelle évolution.
Quels sont alors les prix pratiqués, est-ce accessible pour le particulier de faire une pièce chez un fondeur d’art ?
« Oui, beaucoup de personnes ont cette idée que cela coutera forcément une fortune mais il faut voir le travail effectué pour bien se rendre compte du prix. Même une simple pièce peut nécessiter plusieurs heures de travail pour un seul fondeur ».
« Un porte-revues approche les 150 euros. Si on compare avec un magasin de décoration ce n’est pas beaucoup plus cher pour une telle pièce signée et numérotée ».
Avez-vous des projets d’agrandissement de votre atelier pour répondre à la demande ?
« C’est dans les tuyaux ! » nous dit-il en souriant, « on aimerait passer à un effectif de 4-5 personnes pour 2020. On a besoin de gens avec une grande sensibilité envers la fonderie, des profils atypiques ou des personnes qu’on pourra former avec une petite expérience et une capacité d’adaptation ».
Pour conclure notre interview nous demandons à Valentin Biville quelle est sa vision de l’artisanat face à l’industrie. Il nous répond en ces quelques mots : « On a une carte à jouer, on peut répondre à toute demande et rapidement ».
C’est avec un grand plaisir que nous avons rencontré Valentin Biville qui nous a donné de son temps pour répondre à nos questions et nous faire découvrir son univers.
N’hésitez pas à les rencontrer lors la Fête de la science dans le cadre de l’événement « Visitons l’artisanat » qui aura lieu du 8 au 13 octobre 2018.
Antoine Collin / Axelle Morin